Conférence:
22 Juin 2022 – De 18h30 à 23h
salle Mahatma Gandhi (Rez)
Film & conférence & débat: Syrie, Ukraine, deux populations violentées
Organisé par: Femmes syriennes pour la démocratie, alencontre.org
En Syrie, l’aide humanitaire en terrain miné
Par Laure Stephan (Beyrouth, correspondance)
Publié le 10 juin 2022 à 17h32, mis à jour hier à 17h42
ENQUÊTE Dans ce pays en lambeaux après dix ans de guerre, chacun des acteurs contrôlant une portion de territoire essaie d’utiliser à son profit la manne des bailleurs de fonds. Qui ne peuvent arrêter leurs versements face à l’insécurité alimentaire grandissante.
« C’est terrible quand on arrive à Alep : toutes ces ruines… » Cette Syrienne, réfugiée au Liban, a eu du mal à reconnaître la ville quand elle est allée rendre visite à ses parents, après de longues années de séparation. Eux n’ont jamais quitté les quartiers orientaux de la grande cité du nord de la Syrie, contrôlés par l’opposition à Bachar Al-Assad à partir de l’été 2012, avant d’être pilonnés par l’aviation russe et repris par le régime, en décembre 2016. Lors de ce récent séjour, la jeune femme « n’osai[t] pas sortir, une fois la nuit tombée. Il n’y a toujours pas d’électricité, et on ne sait plus qui est qui ! » Tant d’habitants d’Alep sont partis. Pour ceux qui sont restés, « la vie est difficile. Même le pain ne ressemble plus à rien : il s’effrite parce qu’il est fait d’une mauvaise farine. Tout est cher ». Son mari ne l’a pas accompagnée, de peur d’être arrêté. Il se sait recherché par les services de renseignement depuis que l’armée réclame sa mobilisation. Même sans cela, le couple n’imaginerait pas, pour l’instant, rentrer définitivement en Syrie, malgré l’amour qu’il porte à son pays.
A l’exception d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, les combats ne rythment plus le quotidien de la majorité des habitants. Mais les bombardements ont cédé la place à un autre fléau, une profonde crise économique frappant de plein fouet une population déjà exténuée par plus de dix ans de guerre. Aujourd’hui, « plus de 90 % des Syriens vivent dans la pauvreté, ont alerté les Nations unies. Les violences sexistes et les risques pour les enfants sont en augmentation. L’exposition potentielle aux engins explosifs reste élevée. L’insécurité alimentaire a atteint de nouveaux records : 12 millions de personnes souffrent de la faim chaque jour. Près d’un enfant syrien sur deux n’est pas scolarisé et est vulnérable au travail, aux mariages précoces et forcés, à la traite et au recrutement par des acteurs armés. »
Russie, Iran, Turquie… Sur le terrain interfèrent une kyrielle d’acteurs étrangers qui n’ont pas l’intention de plier bagage de sitôt
Cette conjoncture économique, ajoutée à l’impasse politique, a rendu la population plus dépendante que jamais de l’aide humanitaire. Et cela, où qu’elle se trouve sur ce territoire désormais divisé en trois zones d’influence : la Syrie gouvernementale (l’essentiel du pays, comprenant le plus grand nombre d’habitants), le Nord-Ouest, dominé par les islamistes, et le Nord-Est, sous administration kurde. C’est un état latent, à mi-chemin entre la guerre et la paix. Le régime, sûr de sa victoire, obtenue au prix de la destruction d’une partie du pays, refuse toute concession politique.
Sur le terrain interfèrent une kyrielle d’acteurs étrangers qui n’ont pas l’intention de plier bagage de sitôt. La Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais sont présents auprès du camp Assad. La Turquie, érigée en puissance tutélaire du Nord-Ouest et du Nord adjacent, arraché aux Kurdes, menace toujours d’étendre sa « zone de sécurité ». Les Etats-Unis conservent des troupes aux côtés de l’administration kurde, dans le Nord-Est, en attendant un éventuel retrait. Quant aux Européens, leurs diplomates observent avec consternation l’échec du processus politique des Nations unies, en état de mort clinique – même si personne n’ose le dire. Une lueur d’espoir résidait dans le dialogue informel, à Genève, entre Moscou et Washington. Mais l’invasion russe de l’Ukraine a refermé cette fenêtre.

Marchandage perpétuel
Faute d’avancées politiques, c’est donc sur une forme de stabilisation – pourtant fort hypothétique – qu’investissent les bailleurs de fonds, occidentaux pour l’essentiel, par le biais de l’humanitaire, cependant qu’Américains et Européens empilent les sanctions à l’encontre d’un Etat syrien devenu paria. « Cette aide n’est pas pour les beaux yeux du régime. Les Européens s’inquiètent de la recrudescence des vagues migratoires et du risque terroriste, dont ils cherchent à se prémunir en améliorant localement le sort des populations », commente une source diplomatique.
Vitales pour les familles, les aides sont devenues un enjeu politique tout aussi crucial pour ceux qui les assujettissent
Les autorités régnant de facto dans chacune des « trois Syries » ont bien saisi l’intérêt que représentait pour elles cette manne humanitaire : empêcher, ou freiner, un effondrement total et ainsi contenir la colère des habitants. Vitales pour les familles, les aides sont devenues un enjeu politique tout aussi crucial pour ceux qui les assujettissent. Un paradoxe dont ne sont pas dupes les décideurs internationaux, mais qui a pour effet de les plonger dans l’atermoiement avec des logiques souvent incohérentes. « Il y a un problème de non-décision, qui rend les actions entreprises en Syrie parfois illogiques voire contradictoires », résume un ancien chargé de coopération.
Dès le début de la guerre, en 2011, le soutien aux populations a revêtu un enjeu politique. Le régime l’a exploité pour punir ses opposants, pour récompenser ses fidèles affairistes et pour faire valoir son autorité auprès de la communauté internationale. Le ton a été donné dès 2012 : seul Damas dicterait le rythme et les circuits d’acheminement des aides sur le territoire national – fût-il une zone assiégée ou bombardée par ses soins. En mars de cette année-là, un convoi humanitaire de la Croix-Rouge (CICR) est bloqué par le régime aux portes de Homs, dont le quartier de Baba Amro est l’un des premiers fortins rebelles, assiégé et pilonné par l’armée, où la résistance est en passe d’être écrasée dans le sang. Les entraves de ce genre n’ont cessé ensuite de se multiplier, l’aide devenant l’objet d’un marchandage perpétuel, alors qu’elle est – par principe – neutre et sans contrepartie. Les missions humanitaires s’effectuent dans des conditions de plus en plus périlleuses via des accès âprement négociés.
Raid aérien contre un convoi
Jusqu’en 2018, les Occidentaux ont financé dans les bastions rebelles « des actions de state-building [construction d’un Etat] et soutenu des acteurs locaux. Quand ces zones ont été reprises, après l’entrée en guerre des Russes [en 2015], ces aides ont été remballées aussi sec. Et les personnes qu’ils avaient soutenues ont rejoint la masse des déplacés. Le bilan est celui d’une grande faillite », décrit l’ex-chargé de coopération. Une attaque, aujourd’hui oubliée, a constitué l’apex de la politisation de l’aide : le 19 septembre 2016, un raid aérien, probablement d’origine russe, détruit un convoi humanitaire de l’ONU et du Croissant-Rouge syrien dans la province d’Alep, tuant une vingtaine de civils et un bénévole. Le drame se produit quelques heures après la fin, décrétée par Damas, du « gel des combats » négocié une semaine auparavant et dont le principal objectif était justement de faire parvenir des vivres et des médicaments aux villes assiégées.
Comme une réponse cynique du clan Assad à une autre frappe aérienne meurtrière survenue deux jours plus tôt : entre 60 et 90 soldats loyalistes avaient été tués, dans un bombardement de la coalition antidjihadiste menée par Washington à Deir ez-Zor – « par erreur », assure alors le commandement des forces américaines, qui « pensaient frapper une position de combat de l’Etat islamique ». A l’époque, l’ONU avait condamné l’attaque la plus meurtrière jamais menée contre l’un de ses convois depuis le début du conflit, tout en se gardant d’identifier les responsables dans le rapport qu’elle a publié par la suite.
A partir de 2019, la reconquête progressive du territoire par le régime et son allié russe change la donne. Le temps des longs convois organisés au milieu des courtes trêves est révolu ; la « sécurité alimentaire » et la « résilience » sont désormais l’alpha et l’oméga des bailleurs de fonds internationaux. Les 9 et 10 mai, la sixième conférence de Bruxelles sur « l’aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et des pays de la région » – Liban, Jordanie, Turquie accueillant tous trois plus de cinq millions de réfugiés – a confirmé cette tendance.
A l’encontre des pronostics inquiets qui pointaient la lassitude des donateurs et la concurrence des besoins en Ukraine, 6,4 milliards d’euros ont été promis pour 2022-2023 – soit plus qu’en 2021, bien que très en deçà du montant nécessaire, chiffré à 9,97 milliards d’euros par les Nations unies. « La Syrie demeure une priorité, c’est une bonne nouvelle », veut croire Bassel Kaghadou, consultant pour l’ONU et membre de Syria Resource Group, un collectif d’experts syriens travaillant à « une transition durable ». « En revanche, déplore-t-il, le niveau de représentation politique était bas, ce qui montre que rien ne bouge dans ce domaine. » Et aucune stratégie de long terme n’a été définie.
Forme de fédéralisme
Aujourd’hui, l’assistance aux populations est morcelée à la façon du territoire. Elle est plus aisée qu’ailleurs dans le Nord-Est, peuplé d’environ 3 millions d’habitants et géré par l’administration autonome kurde, où les bailleurs guettent avec inquiétude une éventuelle résurgence de l’organisation Etat islamique. La corruption, les détournements de fonds et les tentatives des autorités kurdes pour s’arroger le choix des bénéficiaires des aides humanitaires y constituent, comme ailleurs, un défi permanent, sur fond de ressentiment exacerbé des populations arabes qui s’estiment défavorisées par rapport à leurs compatriotes kurdes.
L’économie de cette région, pourtant riche en pétrole et en gaz, a été asphyxiée, comme la totalité du pays, par les sanctions de la « loi César » – du nom de code du transfuge de l’armée syrienne qui fit sortir clandestinement plus de 50 000 photographies attestant de la torture systématique dans les prisons –, qui punit, depuis 2019, toute transaction avec le régime de Damas. L’annonce, le 12 mai, par les Etats-Unis, d’exempter cette zone de sanctions ouvre de juteuses perspectives. Au risque d’accélérer, en Syrie, une forme de fédéralisme susceptible d’engendrer d’autres tensions…
Dans le Nord-Ouest, les projets dits de « stabilisation » ont été quasi tous interrompus, par souci des bailleurs de ne pas participer au financement des islamistes
Dans le Nord-Ouest, où se poursuivent les assauts répétés des forces loyalistes, vivent en sursis quelque 4,4 millions de personnes – pour la plupart, des déplacés originaires d’autres provinces syriennes. Des paniers alimentaires continuent d’être distribués à cette population particulièrement vulnérable et très dépendante des convois onusiens en provenance de Turquie. Mais les projets dits de « stabilisation », visant à créer des embryons de développement, ont été presque tous interrompus, les bailleurs se montrant soucieux de ne pas participer au financement des maîtres des lieux, les islamistes du groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTS, héritiers de la branche syrienne d’Al-Qaida), désigné « terroriste » par les Etats-Unis et l’Union européenne (UE).
« Dès 2018, les fonds se sont taris, paralysant notre travail », se souvient Issam Al-Khatib, ancien directeur de Kesh Malek (« échec et mat »), une organisation issue de l’opposition civile, engagée dans la cohésion sociale et l’éducation. Ce retrait des bailleurs fragilise en outre ces acteurs locaux qui osent encore dénoncer la férule des islamistes. Dans la bande septentrionale occupée par la Turquie, où vivent 1 million de Syriens sous la coupe de milices supplétives, les organisations humanitaires doivent obtenir la permission d’Ankara pour opérer, tandis que les miliciens tentent de leur imposer les bénéficiaires.
L’ONU « complice » du gouvernement
Dans le reste du pays, sous contrôle gouvernemental, les Nations unies sont le plus gros pourvoyeur d’aides, selon un mode de fonctionnement controversé. A maintes reprises, l’opposition a ainsi dénoncé une forme de « complicité » de l’ONU qui n’a que peu, ou mal, négocié avec le régime. « Il est impossible d’agir sans passer par le gouvernement, témoigne Fernande van Tets, qui a été basée dans la capitale syrienne, en 2018 et en 2019, comme chargée de communication pour l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Elle a raconté son expérience dans un livre dont le titre, Vier seizoenen in Damascus (Thomas Rap, 2020, non traduit) est un jeu de mots sur la durée de son séjour (quatre saisons) et le nom de l’hôtel de luxe (Four Seasons) où le personnel de l’ONU tient ses quartiers à Damas. La Néerlandaise, redevenue journaliste après cette parenthèse diplomatique, se souvient de « toute l’énergie passée à obtenir et à maintenir ouverts des accès humanitaires qui empêche de réfléchir sur le sens de ce que l’on entreprend ». « Malgré ces difficultés, davantage de pression aurait pu être exercée, estime-t-elle aujourd’hui. Ce sont quand même de milliards de dollars dont il est question ! » Des sommes faramineuses qui ont permis à la population, mais aussi au régime, de garder la tête hors de l’eau.

Un camion transportant des colis d’aide du Programme alimentaire mondial des Nations unies traverse la ville de Hazano, dans la campagne du nord de la province syrienne d’Idlib, tenue par les rebelles islamistes, le 16 mai 2022. OMAR HAJ KADOUR/AFP
En 2019, un rapport accablant de Human Rights Watch a mis en évidence la façon dont le gouvernement « cooptait l’aide et le financement de la reconstruction en Syrie », avec, entre autres, des hommes d’affaires proches du pouvoir, parfois accusés de crimes de guerre, détournant des devises de l’ONU via leurs sociétés. L’organisation de défense des droits de l’homme alertait aussi sur le risque, pour « les agences des Nations unies et les organismes participant aux efforts de reconstruction, d’être ainsi complices des violations des droits humains commises par le gouvernement » syrien.
Face à de tels écueils, les militants de la société civile syrienne qui avaient rejoint le soulèvement de 2011 et qui, pour la plupart, sont désormais exilés ont appelé les bailleurs à renforcer le rôle des communautés locales dans les projets d’aide. « Ce sont elles qui connaissent le mieux leurs besoins », souligne l’expert Bassel Kaghadou. Depuis le début du conflit, ce sont des Syriens qui ont toujours assumé les dangers liés aux actions d’urgence et de premiers secours. Aujourd’hui, ce sont encore des humanitaires syriens qui restent en première ligne, exposés aux dangers liés aux combats, aux risques d’enlèvement et d’arrestation.
Contrôles déjoués
De leur côté, les bailleurs ont renforcé les contrôles en confiant à des parties tierces la surveillance et l’évaluation des projets, et la vérification de l’identité des bénéficiaires. Le manque d’accès a engendré des problèmes et des abus – « Il n’y a pas de confiance », assène l’ex-chargé de coopération. Des abus ont été constatés dans les anciennes zones rebelles, où la prise en charge médicale des combattants a parfois primé sur celle des civils blessés et où des groupes armés ont prélevé leur dîme sur les fonds destinés aux populations. « Ces ponctions existent dans tous les conflits et elles se sont produites partout en Syrie, mais jamais à une échelle industrielle comme l’a pratiqué le régime dans sa zone, raconte un humanitaire étranger. Nos partenaires étaient de jeunes volontaires syriens, qui devaient composer sur place avec des groupes armés. »
Censé éviter les détournements, ce mécanisme de tierce partie commence déjà à se vicier. « Le régime a créé ses propres boîtes d’audit en la matière », pointe ainsi Bassel Kaghadou, tandis qu’Issam Al-Khatib évoque la formation d’« un monopole des audits » pour les projets destinés à la province d’Idlib, ainsi que des décisions confinant à l’absurde : « Alors qu’une partie de notre mission porte justement sur la prévention de l’extrémisme, des bailleurs nous ont dit : “Très bien, menez vos projets, mais uniquement dans les zones hors du contrôle des islamistes [d’Hayat Tahrir Al-Cham] !”, relate l’ancien directeur de Kesh Malek. A quoi cela peut-il servir, si l’on exclut les endroits les plus concernés ? »
Dans les mois à venir, deux dossiers vont dominer la question du soutien humanitaire en Syrie : l’early recovery (« première réhabilitation ») et le mécanisme d’aide transfrontalière de la Turquie vers le Nord-Ouest syrien. Longtemps tabou, l’early recovery a été ouvertement discutée lors de la conférence de Bruxelles parrainée par l’Union européenne. Il ne s’agit pas encore de reconstruction (conditionnée par l’UE à une transition politique en Syrie), mais ce n’est plus de l’urgence – qui demeure massive, environ 75 % des fonds du plan de réponse de l’ONU.
Les détracteurs de l’« early recovery » redoutent qu’elle ne soit le premier jalon vers une normalisation avec Damas, sans contrepartie de la part du régime
Dans le pays, des acteurs humanitaires se sont déjà lancés dans ce type de projets, discrètement, « pour ne pas nuire à leur réputation en l’absence de consensus dans ce domaine et pour ne pas s’attirer les foudres de pays tels la France et les Etats-Unis, qui conservent une position très anti-Damas », précise l’ex-chargé de coopération. Le récent virage, acté à Bruxelles, en faveur des premières réhabilitations a été opéré après une valse-hésitation, qui perdure chez les diplomates et les experts.
Selon ses partisans, cette option, en enrayant le cycle de dépendance induit par la perfusion humanitaire, est à la fois plus rentable et plus durable. Elle pourrait aussi favoriser le retour des réfugiés – du moins de ceux qui ne craignent pas d’être arrêtés et torturés une fois rentrés en Syrie – en redynamisant l’activité. Ses détracteurs redoutent qu’elle ne soit le premier jalon vers une normalisation avec Damas, sans aucune contrepartie de la part du régime de Bachar Al-Assad. Leur méfiance a été attisée par le fait que c’est la Russie, puissance alliée du pouvoir syrien, qui, la première, a milité – et obtenu – que le terme « early recovery » soit introduit dans la résolution de l’ONU du 9 juillet 2021. Moscou y voit l’occasion d’un début de relèvement économique, financé par d’autres. Cela lui permettrait d’espérer retirer des dividendes de son coûteux engagement militaire en Syrie, tout en poussant pour la réintégration de Damas au sein de la communauté internationale.
Bab Al-Hawa, un corridor vital
L’autre dossier brûlant est enfin celui des convois humanitaires de l’ONU à destination de l’enclave rebelle d’Idlib. Chaque mois, 800 camions chargés de nourriture, de matelas et de couches pour bébés transitent par Bab Al-Hawa, unique point de passage ouvert sur la frontière turque. La Russie a tenté de mettre un terme à ce corridor, avant d’obtenir une concession sur l’early recovery. Elle fait depuis pression pour que le passage s’effectue par le sud, à partir des zones contrôlées par le régime. L’enjeu est encore une fois de renforcer le régime, à l’intérieur et à l’extérieur du territoire.
Alors que la guerre en Ukraine a exacerbé l’antagonisme entre Russie et Etats-Unis, c’est au Conseil de sécurité qu’il reviendra de sceller, début juillet, le sort de ce petit corridor dont dépend la vie de millions de civils dans le Nord-Ouest syrien. Le 4 juin, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, s’est rendue à Ankara. « Il n’y a pas d’alternative à l’aide transfrontalière, a-t-elle déclaré, assurant que, sur ce point au moins, les positions des Etats-Unis et de la Turquie étaient complètement alignées. Fermer le dernier passage frontalier humanitaire vers la Syrie serait d’une cruauté incalculable. »
« L’interruption des convois depuis la Turquie serait une catastrophe, abonde Issam Al-Khatib. L’expérience nous a appris que le régime n’aurait aucun scrupule à affamer Idlib. » « Le problème n’est pas dans la terminologie, conclut l’activiste syrien. Qu’importe qu’il s’agisse d’aide au développement, de réhabilitation ou d’humanitaire. Ce qui est absolument nécessaire, c’est une position ferme en lieu et place de principes branlants. Et dont le minimum devrait être que ceux qui ont commis des crimes de guerre soient exclus des circuits humanitaires. »
Laure Stephan
Beyrouth, correspondance